Le « Printemps arabe » est un ensemble de contestations populaires, d'ampleur et d'intensité très variables, qui se produisent dans de nombreux pays du monde arabe à partir de décembre 2010. L'expression de « Printemps arabe » fait référence au « Printemps des peuples » de 1848 auquel il a été comparé, tout comme le Printemps de Prague. Ces mouvements révolutionnaires nationaux1 sont aussi qualifiés de révolutions arabes, de révoltes arabes, ou encore de « réveil arabe2 », certains vont jusqu’à parler d’une révolution Facebook, d’une révolution Twitter voire d’une révolution 2.0 tant l’usage des réseaux sociaux aurait été important. Avec le recul, le pluriel « Printemps arabes » a également été privilégié pour mieux rendre compte de la diversité des mouvements regroupés sous cette appellation3,4. Ces événements ont commencé le 17 décembre 2010 dans la ville de Sidi Bouzid par la révolution en Tunisie qui a conduit Zine el-Abidine Ben Ali à quitter le pouvoir. D’autres peuples reprennent à leur tour le slogan « Dégage ! » (ou Erhal ! en arabe5) devenu le symbole de ces révolutions6,7,8,9,10,11. Outre le départ des dictateurs et l’instauration d’une démocratie, les manifestants exigent un partage des richesses qui leur assure de meilleures conditions de vie, des emplois, et la dignité (« karama » en arabe)12,13,14. Alors que la révolution égyptienne provoque le départ d’Hosni Moubarak et une transition démocratique, les autres n'ont pas les mêmes conséquences : en Libye, elle tourne à la guerre civile entre les forces fidèles au régime de la Jamahiriya de Mouammar Kadhafi et les insurgés, soutenus par une intervention étrangère sous mandat de l'ONU ; à Bahreïn, la solidarité contre-révolutionnaire des monarchies du golfe Persique fait échec au mouvement de contestation mais elle reprend à partir de juin 2011 ; au Yémen, le dictateur Saleh qui réprime la révolte louvoie entre exigences de l’opposition et le soutien international à une transition pacifique et démissionne le 27 février, et en Syrie, la répression exercée par le régime de Bachar el-Assad cause des milliers de morts. Malgré la violence des répressions dans tous les pays concernés par des mouvements d'ampleur, elles échouent presque toutes et les contestations continuent15. Tous les autres pays du monde arabe sauf le Qatar ont été touchés, mais les manifestations y ont eu une ampleur et des conséquences plus limitées. Des États non arabes ont enregistré aussi des manifestations ou procédé à des actions préventives, notamment l'Iran, mais l'ampleur de ces mouvements a généralement été moindre et l'influence des événements du monde arabe n'a pas toujours été clairement établie. Les principales causes de ces mouvements à forte dimension sociale1 sont le manque de libertés individuelles et publiques, la kleptocratie, le chômage, la misère, le coût de la vie élevé ainsi qu'un besoin de démocratie qui ne soit pas une simple façade16. Cette vague révolutionnaire est comparée à divers moments historiques, comme le Printemps des peuples de 184817,18, la chute du Rideau de fer en 198919,20, ou encore le Risorgimento italien21. Ces révolutions recourent initialement aux méthodes de contestation non violente22 détaillées dans le manuel de Gene Sharp et inspirées de celles de Gandhi ; les révolutionnaires utilisent les technologies modernes de communication (différents outils d’Internet et téléphone mobile) de façon intensive, la télévision satellitaire jouant également un rôle important dans le déroulement des évènements23. Les dictatures concernées tentent d'ailleurs de contrer ces moyens de communication (coupure ou brouillage des réseaux, attaque contre les journalistes). Toute l'année 2011, la contestation se poursuit dans la quasi-totalité des pays arabes, les différents mouvements s’encourageant les uns les autres : ainsi, la contestation à Bahreïn, assommée par l’intervention saoudienne, reprend dès la fin de l’état d’urgence13. Dans tous les pays concernés, les révolutions cimentent l’unité nationale13. Ces révoltes pourraient mener à une redistribution des cartes dans cette zone du monde, avec des conséquences géopolitiques (comme sur le conflit israélo-palestinien12,13), sociales et économiques majeures à l'échelle mondiale, notamment à cause de l’industrie pétrolière, très présente dans ces régions. Les pays arabes sont plongés dans une transition qui n'est nulle part facile, comme en témoignent les longs affrontements parlementaires et dans la rue au moment de la discussion de la constitution en Égypte et en Tunisie. Contexte et points communs des pays concernés Zine El Abidine Ben Ali en 2008. Démographie : des révolutions de la jeunesse Tous les pays arabes sont entrés en transition démographique dès les années 1950. Le taux de fécondité moyen de la région (Afrique du Nord et Moyen-Orient Iran compris) est de 3,6 enfants par femme en 2000-200524. Lorsque les révolutions arabes se produisent, elle est avancée au Moyen-Orient, et achevée au Maghreb. Ce facteur joue un rôle déterminant dans le déclenchement des révolutions, dans le sens où les enfants prennent plus d'importance dans la famille, sont mieux éduqués et élevés de façon égalitaire, et donc plus à même de remettre en cause l’autorité patriarcale et un système inégalitaire25. La transition démographique a aussi pour résultat des effectifs importants pour la classe d’âge 15-29 ans : ils sont plus de 100 millions en 2009 dans la région, soit le tiers de la population totale, et une augmentation de 50 % depuis vingt ans24. Même si les jeunes sont soutenus voire accompagnés dans les manifestations par des membres de toutes les tranches d’âges, ils restent le moteur principal des révolutions arabes26,27,25,28. Jeffrey Sachs fait de l’emploi des jeunes à la fois une des racines des révolutions arabes, et un des enjeux majeurs des politiques arabes à venir29. Régimes politiques Extension géographique de la langue arabe contemporaine : pays où elle est seule langue officielle ; pays où elle partage le statut de langue officielle avec d'autres idiomes. Les régimes des pays arabes sont autoritaires, oligarchiques : pour se maintenir, ils multiplient les services de police. Ces États policiers s’associent aux milieux affairistes30. Les sociétés arabes aspirent à des régimes démocratiques ; le chercheur français Olivier Roy avait ainsi pressenti le risque d’un écart entre le soutien des diplomaties occidentales aux dictatures et le chemin pris par ces sociétés, qui rendait inéluctable la démocratisation des pays arabes, dans une note du CAP de 200531. Les libertés limitées, la corruption particulièrement développée dans la plupart de ces pays (tout comme les détournements de fonds publics) et des chefs d'État très souvent âgés en place depuis plusieurs dizaines d'années (souvent enclins au népotisme et notamment à la transmission héréditaire du pouvoir y compris dans les régimes de type républicain) sont autant de facteurs susceptibles d'exaspérer les populations aboutissant ainsi à des troubles. On note aussi dans les années 2010 une baisse du rôle des États-Unis dans la région32,33, à cause de la guerre en Irak, qui les prive de moyens et d'influence. Ainsi, c'est la Turquie qui propose et fait aboutir sa médiation entre Israël et la Syrie en 2008. La crise à Erbil en novembre 2010 est réglée sans eux. Enfin, c'est l'Arabie saoudite et la Syrie qui jouent le rôle d'intermédiaires au Liban en 2010 et 201133. Pour Ayaan Hirsi Ali, l’habitude de soumission donnée par l’islam est telle que la révolution sans leaders ne peut réussir. Pour que la démocratisation réussisse, elle pense que les révolutionnaires doivent s’organiser selon le modèle des partis politiques : programme, changements constitutionnels34. Elle est donc d’accord avec Jean-Clément Martin pour ne pas rattacher prioritairement les révolutions arabes à une matrice révolutionnaire préexistante35. Plusieurs observateurs notent avec satisfaction que les tentatives d’importer de force la démocratie dans le monde arabe ont toutes échoué : invasion de l’Irak en 2003, révolution du Cèdre en 2005, soutenue par les pays occidentaux, et guerre du Liban de 2006, n’ont fait qu’appauvrir ces pays et y renforcer le communautarisme. Les réformes libérales, censées être le versant économique de la démocratisation et poussées par le FMI et l’Union européenne, ont de la même façon appauvri les populations arabes et renforcé les dictatures. Les privatisations, la spéculation foncière, l’ouverture à la finance internationale, loin de créer des emplois, ont enrichi les oligarchies kleptocrates et appauvri les populations36,37. Aspects socio-économiques La région consacre des sommes importantes à l’éducation : 5 % de sa richesse depuis trente ans, et réussit à scolariser 75 % d’une classe d’âge dans le secondaire, et 25,8 % dans le supérieur (et même 28,6 % en Tunisie et 32,6 % en Égypte)38. La région est touchée par des taux de chômage importants, et paradoxalement, ce sont les jeunes adultes qui sont les plus touchés : 90 % des chômeurs ont entre 15 et 29 ans, et le taux de chômage de cette classe d’âge, probablement sous-évalué, varie entre 20 et 25 % dans la région (40 % en Algérie)24. Ce chômage important limite les revenus d’une part de plus en plus importante de la population, déjà pauvre et qui n’a guère profité de la libéralisation des années 1990 et 200039 (les statistiques économiques étant d’ailleurs truquées40). Avec la hausse des prix alimentaires, au plus haut à la fin de l'année 2010 et au début 201141, une partie importante de la population est à la limite de ne plus pouvoir se nourrir : le cours des céréales atteint son plus haut niveau historique, soit 2,5 fois plus qu'en 2002 ; le cours du sucre est également à son plus haut niveau historique, soit quatre fois plus cher qu'en 2002 ; les autres produits alimentaires connaissent des hausses moins spectaculaires, mais sont aussi à leur plus haut niveau historique. Il a aussi pour effet de rendre difficile l’accès à un logement et la constitution d’une dot : le taux des hommes mariés dans les hommes de 25 à 29 ans est de seulement 50 %, le plus faible au monde. Les frustrations accumulées par ce genre de situation sont considérables38. Cet aspect est cependant moins important dans les pays pétroliers, où soit les aliments sont déjà subventionnés avant 2011, soit les revenus du pétrole sont rapidement mobilisés pour faire baisser leurs prix (comme en Algérie), ou soit encore le conseil de coopération du Golfes intervient pour financer des mesures sociales (comme en Oman). Les solidarités de proximité sont très importantes également pour la survie des plus pauvres42, alors que les solidarités tribales ont pratiquement disparu43. Selon Jean-François Daguzan, les difficultés économiques des pays arabes causées par la crise économique de 2008 sont un des facteurs clés des révolutions en cours. Les économies des pays arabes auraient en effet été durement touchées par de multiples facteurs44 : baisse des ressources de ces pays par la chute du prix des matières premières de 30 à 40 % et des exportations de 30,6 % ; dans le même temps, les importations de biens augmentaient de 18,6 %, d’où une aggravation du déficit de la balance commerciale de 60,4 % (21 milliards de dollars) ; la conjoncture défavorable a tari les sources de financement : les recettes touristiques diminuent de 4,3 % (alors que l’activité touristique progresse de 6,5 % en volume), les transferts de revenus par les expatriés baissent de 6,1 % et les IDE s’effondrent de 32,2 % ; l’aide au développement est également en baisse, alors que les migrants travaillant dans les pays du Golfe ont tendance à revenir dans les pays d’origine39. Les économies étant encore affaiblies par les révoltes, le monde étant toujours en crise, et les gouvernements issus des révolutions étant jugés sur leur capacité à fournir du travail à leurs populations45, le risque de « deuxième tour révolutionnaire » est important si les pays développés n’investissent pas en masse dans le soutien au développement dans la région46. Influence spécifique des prix de l'alimentation La hausse du prix des matières premières, notamment du blé, est un élément socio-économique mais qui est particulier dans ce contexte. La région importe une bonne partie de son alimentation, soit environ 30 % du blé mondial47. L'Égypte notamment est très dépendante de l'approvisionnement depuis l'étranger48. Ainsi, la suspension des exportations de blé par la Russie en août 2010 a sévèrement affecté ce pays49. La sécurité alimentaire a ainsi été un facteur d'importance lorsque les prix de l'alimentation ont augmenté47,50. En 2011, l'indice des prix de la FAO a atteint un pic de 237.9 en février 201151. La hausse du prix des céréales, particulièrement du blé, a été importante avec un pic de l'indice des prix des céréales de la FAO à 265.4 en avril52. Ainsi, le prix du blé a augmenté de 125 % environ, passant de $4 le boisseau en juillet 2010 à $8.5-9.0 au Printemps 201149. L'augmentation de ces prix est liée aux conditions météorologiques de juillet à octobre, particulièrement la sévère canicule européenne de 2010, qui a poussé la Russie à suspendre ses exportations de blé51,53. Selon certaines sources, la canicule russe a été largement amplifiée par le réchauffement climatique54,55,56. Ainsi, selon certains analystes, un des facteurs contribuant au Printemps arabe a été le réchauffement climatique49,57. C'est une position qu'explicite ainsi, au nom de l'US Navy, l'amiral américain David Titley58. Le réchauffement a pu être un facteur supplémentaire qui a amplifié l'instabilité régionale et un élément déclencheur nécessaire même si non suffisant. Selon l'International Institute for Strategic Studies, une telle hausse du coût des matières premières n'était pas anticipée, et a ainsi rendu l'évolution géopolitique mondiale encore plus imprévisible49,58,57. Développement comparé des différents pays arabes (avant les évènements) Pays Population (en millions)59 Dont moins de 25 ans59 PIB/habitant59 Alphabétisation de la population60 Alphabétisation des 15-24 ans)59 Taux de pauvreté (personnes vivant avec moins de 2 $ par jour)60,59 Femmes : proportion dans la population active/Date d’élargissement du droit de vote aux femmes61 Taux d’utilisateurs d’Internet (2008)62 Algérie 36,3 47 % 5 073 $ 69,23 % 71,7 % 22,6 % 31 % / 1962 12, 7 % Arabie saoudite 28,7 51 % 14 540 $ 97,3 % add 16 % / 2011 30,8 % Bahreïn 1,23 44 % 26 000 $ 91 % 99,7 % 10 % officieux 20 % / 1973 51,9 % Comores 0,73 59 % 833 $ 56,5 %63 85 % 60 % 3,5 % Djibouti 0,83 58 % 1 214 $ 48 % pour les femmes 42 % 2,3 % Égypte 84,5 52 % 2 270 $ 66 % 85 % 39 % 24 % / 1956 20 %64 Émirats arabes unis 4,6 31 % 50 000 $ 95 % 19,3 15 % / 2006 65,2 % Irak 31,5 61 % 2 090 $ 82,4 % 25 % 16 % / 1980 Jordanie 6,4 54 % 4 216 $ 92 % 98,9 % 21 % 23 % / 1974 26 % Koweït 2,6 37 % 54 260 $ 98,4 % 24 % / 2005 34,3 % Liban 4,1 43 % 8 175 $ 98,7 % 30 % 25 % / 1952 22,5 % Libye 6,2 47 % 9 714 $ 88 % 99,8 % 7,4 % 22 % / 1964 5,1 % Maroc 32,3 48 % 2 868 $ 70 % (2010) 76,6 % 25 % 26 % / 1963 4,6 % Mauritanie 3,3 59 % 921 $ 67 % 44 % 1,9 % Oman 2,7 52 % 16 207 $ 98 % add 18 % / 1994 20 % Palestine 4,2 64 % 1 020 $ 99 % 46 % en Cisjordanie, 70 % à Gaza données absentes / 1994 Qatar 1,7 34 % 69 754 $ 99 % add 12 % / 2003 34 % Somalie 9,6 64 % 600 $ 24 % pour les femmes 65 % Soudan 32 59 % 1 294 $ 85,2 % 40 % 10,2 % Syrie 22,2 56 % 2 474 $ 94 % 30 % 24 % / 1949 16,8 % Tunisie 10,6 42 % 3 792 $ 78 % 96,7 % 7,6 % 27 % / 1959 27,5 % Yémen 24,1 65 % 1 118 $ 61 % 83 % 58 % 21 % / 1970 1,6 % Schémas de déroulement commun Déroulement des événements Pays (population) Chef d'État (année d'accession au pouvoir) Début des protestations Résumé des principaux événements Morts Drapeau de la Tunisie Tunisie (10,6 millions) Zine el-Abidine Ben Ali (Président de 1987 au 14 janvier 2011) 17 décembre 2010 De décembre à janvier, manifestations massives et répétées, parfois émeutes, après l'immolation de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid le 17 décembre 2010. Le 14 janvier, fuite du président Ben Ali vers l'Arabie saoudite, mais la contestation se poursuit. Le Premier ministre Mohamed Ghannouchi conserve son poste, nomme un gouvernement d'union le 17 janvier, remanié le 27. Le 6 février, annonce de la dissolution de l'ancien parti gouvernemental, le RCD pour le 9 mars. Le 27 février, démission de Ghannouchi remplacé par Béji Caïd Essebsi. Le 3 mars, annonce de l'élection d'une Assemblée constituante le 24 juillet, reportée le 23 octobre. Le mouvement islamiste Ennahdha remporte ces élections. Les incidents et les agressions se multiplient de la part des salafistes et plusieurs manifestations sont organisées notamment celle du 20 mars 2012. Le 9 avril, une manifestation fêtant la fête des martyrs est violemment réprimée faisant des dizaines de blessés et agressés. Certaines sources parlent d'1 mort. Le 4 mai, un bilan officiel fait état de 338 morts et 2174 blessés. Le nombre de morts est de 89 dans le Grand Tunis, 86 détenus, 29 forces de l'ordre public, 12 femmes et 8 enfants. 338 Drapeau de l'Algérie Algérie (36.3 millions) Abdelaziz Bouteflika (Président depuis 1999) 28 décembre 2010 Manifestations de quelques milliers de personnes et auto-immolations. Le 7 février, manifestation du CNCD dispersée par les forces anti-émeutes, nouvelles manifestations le 19 février. Le 24 février, le gouvernement lève l'état d'urgence en vigueur depuis 1992. À partir du 2 avril, les gardes communaux campent sur la place des martyrs à Alger et le 6 avril, 80 % des fonctionnaires sont en grève65 [réf. à confirmer]. Le 15 avril, le président Bouteflika promet une réforme constitutionnelle66. 8 Drapeau du Yémen Yémen (23,6 millions) Ali Abdallah Saleh (Président du Yémen du Nord en 1978, puis du Yémen réunifié de 1990 au 27 février 2012) 29 décembre 2010 Le mouvement est lancé par des étudiants, est rejoint par l'opposition, puis par d'importantes tribus, puis par une partie des généraux de l'armée, sous forme d'importantes manifestations et de sit-in. Le 2 février, le président Ali Abdallah Saleh annonce qu'il ne se représentera pas en 201367, le 20 mars il limoge son gouvernement68 et le 23 mars il propose un référendum constitutionnel, des élections législatives et présidentielles avant fin 2011. Le 18 mars, 57 manifestants sont tués à Sanaa et provoque une vague de critiques internationales et défections de l'armée. Le 22 avril, 3,5 millions de manifestants dans seulement Sanaa et Taez protestent69. Le 23 avril, le parti présidentiel accepte le plan présenté par les monarchies du Golfe et prévoyant la démission de Saleh dans les trente jours, après la formation d'un gouvernement d'union nationale et le transfert des prérogatives par le chef de l'État au vice-président70 mais ne le signe pas. Fin mai, le mouvement dégénère en révolte avec début d'affrontements armés entre insurgés tribaux71. Le bilan des affrontements depuis janvier est alors de 620 morts. Le 22 mai, 1,5 millions d'opposants manifestent à Sanaa et l'attaque contre un campement à Taiz fait 57 morts. Le 3 juin, le président Saleh est blessé dans un attentat72. Le lendemain, il a quitté le Yémen pour l'Arabie saoudite dans le but de se faire soigner73. Pendant sa convalescence, les affrontements continuent. Lorsqu'il est de retour le 23 septembre, le pays est toujours dans une ambiance de combats à Sanaa et Taiz qui ont fait plus de 120 morts. Le lendemain, 44 morts et des centaines de blessés. Le 23 novembre, signature du plan des monarchies du Golfe, qui prévoit le départ de Saleh au profit de son vice-président jusqu'aux élections en février 2012. Le président Saleh prévoit alors de se rendre aux États-Unis. Le transfert de pouvoir s'effectue le 27 février. Le 18 mars, à l'occasion du premier anniversaire du massacre de Sanaa, le gouvernement de transition dresse un bilan de +2000 morts dont 143 enfants et 20 femmes et 22 000 blessés pendant la révolution. Le 27 février 2012, départ du président Ali Abdallah Saleh; son vice-président, Abd Rab Mansour Hadi lui succède. +de 2 000 Drapeau de la Jordanie Jordanie (6,4 millions) Abdallah II (Roi depuis 1999) 14 janvier 2011 Importantes manifestations74. Le 1er février, démission du gouvernement du premier ministre Samir Rifaï remplacé par Maarouf Bakhit75. 4 Drapeau de la Mauritanie Mauritanie (3,1 millions) Mohamed Ould Abdel Aziz (Président depuis 2009) 17 janvier 2011 Auto-immolation 3 Drapeau d'Oman Oman (2,7 millions) Qabus ibn Said (Sultan depuis 1970) 17 janvier 2011 Mouvements de grèves et de manifestations, principalement à Sohar76. Le gouvernement annonce des mesures sociales (création d'emplois publics et indemnités par les chômeurs). Limogeage de deux ministres le 5 mars, remaniement plus profond le 7 mars77. Le 13 mars, le sultan annonce une réforme constitutionnelle qui donnera davantage de pouvoir au Conseil législatif78. 6 Drapeau de l'Arabie saoudite Arabie saoudite (28,7 millions) Abdallah Ier (Roi depuis 2005) 21 janvier 2011 Le 23 février, le roi Abdallah annonce des mesures sociales en faveur des fonctionnaires, des étudiants, des chômeurs, etc. à hauteur de 36 milliards de dollars79. Quelques manifestations ont lieu le 11 mars, surtout à Qatif. Les manifestations se sont poursuivies même en 2012 à l'est et sont réprimées par les forces de sécurité. 10 Drapeau du Liban Liban (4,1 millions) Michel Sleiman (Président depuis 2008) 24 janvier 2011 - Quelques protestations 17 Drapeau de l'Égypte Égypte (84,5 millions) Hosni Moubarak (Président de 1981 au 11 février 2011) 25 janvier 2011 Manifestations massives et renouvelées dans les grandes villes, la répression du régime de Moubarak aurait fait 840 morts80. Le 29 janvier, de nouveaux premier ministre et vice-président entrent en fonction, le 30 janvier, la police, qui avait réprimé brutalement les manifestations, est remplacée par l'armée qui reste neutre et assure la sécurité des manifestants. Le 11 février, démission d'Hosni Moubarak et transmission de la gestion du pays au Conseil suprême des forces armées, mais les manifestations et grèves se poursuivent pour demander un changement plus profond81. 13 février, dissolution du Parlement et suspension de la Constitution ; le 3 mars, démission du Premier ministre, Ahmad Chafic, remplacé par Essam Charaf. Le 19 mars, approbation par référendum d'une réforme de la Constitution. Le 13 avril, placement en détention pour quinze jours d'Hosni Moubarak et de ses deux fils82. Il sera jugé par la justice égyptienne. Le 9 septembre, des milliers de manifestants attaquent l'ambassade d’Israël et les heurts avec les forces de sécurité font 3 morts et 1049 blessés. Le 9 octobre, des manifestants pacifiques coptes sont attaqués par les forces de l'ordre faisant 28 morts et 212 blessés. Du 19 au 22 novembre, les policiers répriment dans le sang des centaines de milliers de manifestants faisant 43 morts et 3000 blessés. En décembre, de nouveaux heurts font 17 morts. En février, 78 personnes sont mortes lors d'un match de football à Port Said. Des émeutes font 13 morts. En mai, des affrontements devant le ministère de la Défense font 22 morts et +300 blessés. 979 (846 pendant la révolution et 133 post-révolution) Drapeau de la Syrie Syrie (22,2 millions) Bachar el-Assad (Président depuis 2000) 26 janvier 2011 En janvier et février, auto-immolations et quelques protestations, le président Bachar el-Assad prend des mesures sociales83. À partir du 18 mars, manifestations massives dans le sud, surtout à Deraa où la répression fait de nombreuses victimes84,85,86. Le 24 mars, le gouvernement annonce de nouvelles mesures sociales87, le 25 la contestation s'étend à Damas et le 26 à Lattaquié88. Le 29 mars, importante manifestation de soutien au pouvoir, alors que le gouvernement syrien remet sa démission89. Le 30 mars, Bachar el-Assad dénonce une conspiration contre la Syrie90. Le 3 avril, Bachar el-Assad nomme un nouveau premier ministre91, le 7 avril, la citoyenneté syrienne est accordée à 300 000 Kurdes92. Le 16 avril, Bachar el-Assad promet la levée de l'état d'urgence93, adoptée par le gouvernement le 19 avril94 mais pas encore effective95. Le 21 avril, il promulgue la loi décrétant la fin de l'état d'urgence, l'abolition de la cour de sûreté de l'État et l'autorisation de manifestations pacifistes. Manifestations, répression sanglante et arrestations en masse continuent pourtant96. Aux manifestants pacifistes se joignent très rapidement des groupes armés prenant pour cibles les forces du régime97. Entre avril et août, les opérations de l'armée se multiplient dans les villes contestaires, à Deraa, Homs, Hama, Lattaquié, Banias, etc. Le 31 mai, Bachar el-Assad annonce une amnistie générale et l'ouverture d'un dialogue national avec l'opposition98. Au 1er août, le bilan de la révolte syrienne serait, selon les ONG de défense des droits de l’homme reprises par El Watan, de quelque 2 000 morts et 3 000 disparus, ainsi que 26 000 arrestations99. Derrière les manifestation en faveur des libertés, l'islamisme se révèle rapidement le moteur de la révolution et des révoltes armées. Cet aspect confessionnel est accentué par l'aide fournie par les États sunnites (Qatar et Arabie saoudite) aux groupes armées rebelles. Dès le début, notamment par le biais de la chaîne de télévision qatarienne Al jazeera, le soulevement sera présenté comme un conflit confessionel entre chiites (ou alaouites) et sunnites100. Les révoltes de rue débouchent dès avril 2011 dans une guerre civile. Plus de 230 000 Drapeau de la Palestine Palestine (4,2 millions) Mahmoud Abbas (Président depuis 2005) 28 janvier 2011 Quelques protestations. Le 12 février, annonce par Mahmoud Abbas d'élections législatives et présidentielles avant septembre, que rejette le Hamas101. 29 avril, annonce d'un accord de gouvernement entre le Hamas et le Fatah102. 3 Drapeau du Maroc Maroc (y compris le Sahara occidental) (36 millions) Mohammed VI (Roi depuis 1999) Abbas El Fassi (Premier ministre, 2007-2011) 30 janvier 2011 Des manifestations pacifiques le 20 février réunissent près de 40 000 personnes dans plusieurs villes103. Des réformes politiques et sociales sont réclamées. Le 9 mars, le roi Mohammed VI annonce une importante réforme constitutionnelle, soumise à référendum, qui visera à renforcer les pouvoirs du Premier ministre et des partis politiques dans le pays104. Des manifestations importantes ont toutefois lieu le 24 avril105. Le 28 avril, un attentat à Marrakech fait 17 morts106 mais des jeunes estiment que « le printemps du Maroc va continuer107 ». Le mouvement des jeunes citoyens ayant déclenché ces manifestations a été par la suite appelé « mouvement du 20 février ». 10 Drapeau du Soudan Soudan (32 millions) Omar el-Béchir (Président depuis 1993) 30 janvier 2011 Quelques protestations 1 Drapeau de Djibouti Djibouti (0,8 million) Ismail Omar Guelleh (Président depuis 1999) 1er février 2011 Quelques protestations 5 Drapeau de Bahreïn Bahreïn (1,2 million) Hamad bin Isa Al Khalifa (Émir depuis 2002) 14 février 2011 Manifestations importantes, occupation d'espaces public, sit-in. Le roi de Bahreïn distribue environ 2 000 euros à toutes les familles du pays108. Dans un premier temps, les autorités répriment le mouvement109,110,111, puis le 19 février, le pouvoir royal ordonne le retrait de l'armée du centre de Manama112. Le 26, le roi procède à un remaniement ministériel113. Le 14 mars, les pays du Golfe (Arabie saoudite, Émirats arabes unis) envoient des troupes à Bahreïn pour soutenir la monarchie sunnite114. Le 16 mars, les autorités décrètent un couvre-feu dans la capitale, les manifestants sont délogés, puis six dirigeants de l'opposition sont arrêtés115,116. Un dialogue national s'ouvre le 2 juillet pour résoudre la crise. Le 4 juillet, l'Arabie saoudite entame le retrait de ses forces qui cause la reprise de la contestation. Les manifestations reprennent le 14 février 2012. Jugées « illégales », elles sont réprimées par les forces de l'ordre117. 92 Drapeau de l'Irak Irak (21,2 millions) Jalal Talabani (Président depuis 2005) 10 février 2011 Manifestations importantes. Le 25 février, « journée de la colère » meurtrière118. 35 Drapeau de la Libye Libye (6,2 millions) Mouammar Kadhafi (Dirigeant de 1969 au 20 octobre 2011) 13 février 2011 Manifestations, émeutes, insurrection armée ; le mouvement est réprimé par des massacres et les protestataires prennent rapidement les armes avec le soutien d'une importante partie de l'armée. La contestation éclate à Benghazi le 15 février et s'étend à tout l'est de la Jamahiriya arabe libyenne. Le 21 février, la contestation gagne tout le pays, dont Tripoli. Le 23 février, l'est passe contre le contrôle des insurgés et plusieurs villes de l'ouest, formation du Conseil national de transition le 27. La tendance s'inverse à partir du 6 mars, les forces de Kadhafi reprennent l'avantage. Le 18 mars, le Conseil de Sécurité de l'ONU vote une zone d'exclusion aérienne. La France, les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni commencent leurs frappes peu après l'attaque de Benghazi, capitale du CNT, par les forces de Kadhafi. Le 11 avril, la rébellion refuse un cessez-le-feu proposé par l'OUA et accepté par Kadhafi119. De mars à mai 2011, les insurgés subissent un siège très dur par les forces gouvernementales à Misrata120. Alors que le front est figé à l'est, il évolue progressivement à l'ouest. Le 23 août, Mouammar Kadhafi prend la fuite et Tripoli passe sous contrôle du CNT. Il est capturé le 20 octobre 2011 et tué le jour même. L'après Kadhafi voit se dérouler une seconde guerre civile. Le nouveau gouvernement s'avère incapable de construire un véritable pouvoir central et de mettre un terme au désordre et à la violence dans le pays, où milices, clans régionaux et tribaux se font la guerre121. 50 000 Drapeau de la Somalie Somalie (9,4 millions) Sharif Ahmed (Président depuis 2009) 13 février 2011 Quelques protestations. 0 Drapeau du Koweït Koweït (3,6 millions) Sabah IV (Émir depuis 2006) N. Al-Mohammed Al-Sabah (1er ministre, depuis 2009) 18 février 2011 Quelques protestations. Le 31 mars 2011, le gouvernement du Koweït présente sa démission122. 0 Hors du monde arabe Drapeau de Chypre Chypre (0,78 million) Dimitris Christofias (Président depuis 2008) Derviş Eroğlu (RTCN) (Président depuis 2009) 28 janvier 2011 Le 2 mars, plus de 20 000 Chypriotes-turcs manifestent dans le nord de Nicosie contre les mesures d'austérité imposées par la Turquie et pour se débarrasser de sa tutelle123. 0 Drapeau de l'Iran Iran (76,9 millions) Ali Khamenei (Guide suprême depuis 1989) Mahmoud Ahmadinejad (Président de 2005 à 2013) 14 février 2011 Manifestations à Téhéran et dans plusieurs autres villes, blocages de raffineries124. Les révoltes dans le monde arabe ont réveillé l'opposition iranienne qui a profité de celles-ci pour manifester le 14 février contre le régime. De nouveaux incidents ont lieu le 16 février125. Nouvelles manifestations le 20 février. 3 Action non-violente et rôle de l’armée Parmi les points communs entre les différentes révolutions arabes, l’influence de Gene Sharp, théoricien de la résistance non-violente, est souvent citée126,127,128. Les méthodes qu’il préconise dans son manuel De la dictature à la démocratie sont régulièrement prises en exemple par les « Tahrites », au Caire126,127. Plusieurs Tunisiens révoltés128, des membres du Mouvement de la Jeunesse du 6 avril en Égypte ont été formés à la résistance non-violente par le Canvas, fondé par le mouvement serbe Otpor ! (dont Mohamed Adel126 et la blogueuse Dalia Ziada128). En 2006, selon l’ambassade des États-Unis à Damas, des dissidents syriens s’entraînaient aussi aux méthodes de résistance non-violente détaillées dans le manuel de Sharp128. Enfin, les sites internet des Frères musulmans le proposaient traduit en arabe en libre téléchargement depuis plusieurs années127. Face à cette action non-violente, l’attitude des militaires face aux revendications populaires est primordiale129 : en Égypte et en Tunisie, l’armée est neutre : elle se détache du pouvoir qui ne dispose plus de cette force pour réprimer les manifestations. Toutefois, les deux cas restent différents vu que l’armée tunisienne n’a aucun pouvoir politique alors que les militaires égyptiens jouissent d’un pouvoir politique considérable et dirigent le pays depuis Gamal Abdel Nasser. En Égypte, contrairement au cas tunisien, l’armée a participé à la répression des manifestants sous Moubarak et dirigé le pays jusqu’aux élections du 19 mars à travers le conseil suprême des forces armées sous la présidence de Mohamed Hussein Tantawi. Peu avant les élections, un bras de fer commence entre les frères musulmans égyptiens, principale force politique civile, et cette institution militaire largement pourvue en prérogatives. d’autres armées sont totalement inféodées au pouvoir grâce au recrutement, notamment : 70 % des militaires syriens, et 80 % des officiers sont alaouites ; une bonne partie des armées yéménite et libyenne sont dévouées au dictateur, grâce à un recrutement tribal et à des traitements de faveur ; à Bahreïn, les chiites majoritaires dans le pays sont absents de l’armée, et beaucoup d’étrangers sunnites sont naturalisés au moment de leur engagement ; les Émirats arabes unis ont recruté un corps de 800 mercenaires. Enfin, quand ces mesures ne suffisent pas à écraser les révoltes, les armées étrangères peuvent appuyer l’armée nationale dans ses tâches de répression : aviation syrienne en Libye, troupes saoudiennes à Bahreïn129. Nouvelles technologies et médias Un des points communs entre toutes les révolutions est le rôle important joué par les nouvelles technologies (télévision par satellite, téléphone mobile, réseaux sociaux d’Internet) : on a ainsi parlé de « révolution(s) Facebook »130 ou « révolution Twitter ». Le développement des technologies de l’information et de la communication permet une circulation très fluide et horizontale de l’information entre de très nombreux utilisateurs131,132, malgré toutes les tentatives des dictatures de contrôler ce flux. Cette forme de slacktivisme permet initialement d'assurer une couverture médiatique sur Internet et générer l’attention des médias traditionnels133, elle permet aussi à des mouvements de se structurer, de préparer des mouvements de contestation131. Mais plusieurs observateurs remettent en cause les termes de cybermilitantisme, « révolution 2.0 » ou de « révolution Facebook », car le mouvement de contestation qui devient une révolution se fait dans la rue et Internet n’est qu’un facteur de la révolution, qu’un des changements récents des sociétés131. Son rôle, certain dans le déclenchement des premières manifestations, se réduit ensuite134, les éléments politiques de la contestation l’emportant sur les aspects technologiques135. L’importance des réseaux sociaux est cependant cruciale dans la phase préparatoire : ils permettent aux individus de lever une hypothèque sur leur engagement, de vérifier qu’ils sont nombreux à avoir la même analyse de la situation, et de confirmer la validité de leur engagement personnel136. Le Parti Pirate International a joué un rôle important durant le printemps arabe, notamment en Tunisie. Le site tunisie-presse.com souligne l'implication du Parti Pirate Tunisien, fondé en septembre 2010, dans la révolution tunisienne : « Les membres du Parti Pirate avaient un seul souci, libérer le web qui était sous l’emprise du gouvernement [...]. Ils distribuaient des supports numériques contenant des logiciels nécessaires pour déjouer la censure d'Internet et protéger les internautes du piratage de leurs connexions [...]. » Slim Ammamou, ex-membre du Parti Pirate Tunisien, a occupé le poste de ministre de la jeunesse et des sports du gouvernement transitoire durant près de trois mois avant de démissionner. Par contre, les relations individuelles et autonomes, indépendantes des cadres autoritaires traditionnels, qui sont la règle sur Internet, se sont retrouvées dans la rue, donnant un fonctionnement très égalitaire aux manifestations et occupations de rue131,137. Et au total, l’importance des réseaux sociaux est égale à celle des comités de quartier dans la formation politique des citoyens138. Certains auteurs notent par ailleurs le rôle tenu par des organisations proches du gouvernement des États-Unis dans la formation de militants arabes et le soutien aux mouvements pour la démocratie139. L’engagement de l’influente chaîne qatarie Al Jazeera en faveur de certains mouvements populaires (pas ceux mettant en cause les intérêts de cette micro-pétro-monarchie) a également été un élément important dans le maintien et l’amplification de chaque mouvement, et dans la diffusion des protestations dans le monde arabe140,141,142,134. Jean-Pierre Filiu défend l'idée dans son livre La Révolution arabe que le rôle joué par les réseaux sociaux fut exagéré. Ils n'ont par exemple joué qu'un rôle mineur et tardif en Tunisie. Place de l’islam et des femmes New Saudi Arabia's traffic sign (women2drive).gif Le déroulement effectif des révolutions, notamment en Égypte et en Tunisie, conduit à relativiser la peur de l'islamisme143, ainsi que l’examen des programmes des organisations islamistes137,144. Selon des analystes, les sociétés qui contestent les régimes politiques en place sont insensibles aux thèses de l’islam radical, bien que croyantes et pratiquantes. Le risque de révolution islamique comme en 1979 est donc faible dans le monde arabe32,145. Sans être laïc, ce mouvement de protestations serait donc « séculier », selon Olivier Roy, suivi par d’autres observateurs28. Les Frères musulmans eux-mêmes, s’ils conservent une idéologie sociale conservatrice, ont assez largement opté pour la démocratie, d’après le modèle du parti turc musulman, l’AKP146,22,147 et lorsqu'ils entament des négociations avec le pouvoir en Égypte, ils sont lâchés par leurs branches féminine et de la jeunesse145. Ce modèle turc est ainsi souvent évoqué par les opposants, que ce soit en Tunisie, au Maroc, en Jordanie ou en Égypte, et ce d'autant plus que le premier ministre AKP de la Turquie, Recep Erdoğan, a immédiatement soutenu les révolutions tunisienne et égyptienne, et a posé le régime turc en modèle pour les pays musulmans148. De plus, les religieux, que ce soient les dignitaires musulmans ou coptes en Égypte, sont souvent trop compromis avec les anciens régimes pour avoir une influence déterminante149. En Égypte, les dignitaires religieux ont presque tous condamné la révolution et ses objectifs, alors que les prières dans la rue sont l’indice d’une société croyante mais peu pointilleuse sur les rites137. La presse grand public occidentale émet par contre très tôt des craintes sur la prise de pouvoir des islamistes150 ; cette éventualité est aussi envisagée comme crédible en-dehors de l'Europe151, notamment par la presse iranienne152. Les femmes, traditionnellement cloîtrées, prennent une part active aux mouvements révolutionnaires, jouant même le rôle de leaders153 ; elles sont 10 à 15 % des manifestants en Égypte, et les rapports respectueux qui s'instaurent entre hommes et femmes place Tahrir au Caire étonnent les manifestants154,155. On y a relevé cependant plusieurs cas d’agression sexuelle156 et au lendemain de la révolution, leur place est toujours très restreinte en politique : la manifestation de la journée des femmes, le 8 mars, est brutalement dispersée par les salafistes et les militaires, et elles sont quasi absentes du gouvernement et des 27 postes de gouverneur de province157. Les femmes sont aussi très présentes dans les manifestations yéménites158 et libyennes159, avec Salwa Bugaighis qui fait partie du conseil national de transition157. À Benghazi, un carré entouré de barrières est aménagé pour empêcher les hommes d’approcher les femmes sur la place du palais de justice de Benghazi, rebaptisée place Tahrir160. On note leur présence importante en tenue occidentale ou traditionnelle, en abayas à Manama, au Yémen ou en Libye161, et le blog vidéo de l’Égyptienne Asma Mahfouz est l’un des plus suivis lors des évènements de janvier-février en Égypte161. En Syrie, les femmes sont très nombreuses à manifester et à faire grève, de toutes religions, voilées ou non, que ce soit dans les villes ou à la campagne, etc. Les artistes participent aux luttes, dont Mona Wassef, Kenda Aloush, Yara Sabri, Azza Al-Bahra, la réalisatrice Rasha Sharbotgui et les romancières Rima Folayhan, Yom Mashhadi ont signé un manifeste de solidarité aux enfants de Deraa162. Cette présence des femmes est d’ailleurs utilisée contre les manifestants, par exemple au Yémen, où Saleh pointe comme immorale la mixité dans les manifestations163 ; après ce discours, des extrémistes présents parmi les contestataires tabassent les femmes qui veulent supprimer la séparation hommes-femmes, aidés par les militaires de la 1re brigade blindée, entraînant ensuite de vives protestations parmi les manifestants en défense des femmes164. Mais au total, l’anthropologue Mondher Kilani estime que l’émancipation des femmes est une des ruptures majeures introduites par les révolutions arabes22. Étincelle tunisienne Dans ce contexte de recul américain, de dictatures policières ou islamistes, de sentiment de sous-développement aggravé par la crise économique de 2008, et d'accaparement des richesses par des oligarchies restreintes, la révolution tunisienne est « la manifestation locale d'un malaise collectif33 ». Sentiment de sous-développement et non sous-développement réel : le FMI et la Banque mondiale considèrent que ces révolutions dans les pays d'Afrique du Nord et au Moyen-Orient apparaissent à un moment où la situation macroéconomique pour la plupart d'entre eux n'est pas trop dégradée par la crise de 2008 car leur intégration financière au niveau mondial est moindre et qu'ils ont adopté des mesures économiques pertinentes (ajustements en termes de taux de croissance meilleurs que le niveau mondial, politiques contracycliques adaptées), si bien que l'écart entre le sous-développement réel et le sous-développement perçu s'explique par le paradoxe de Tocqueville de l'insatisfaction croissante165. L'Arabie saoudite du vieux roi Abdallah voit d'un œil inquiet l'extension de la contestation et ne comprend pas le « lâchage » de Moubarak par les États-Unis166. Tunisie, départ d'une flambée générale Manifestations à Tunis le 14 janvier. Article détaillé : Révolution tunisienne de 2010-2011. La Révolution tunisienne est une suite de manifestations insurrectionnelles en Tunisie en décembre 2010 et janvier 2011 ayant débuté après que Mohamed Bouazizi, vendeur de légumes ambulant de vingt-six ans, se soit immolé par le feu le 17 décembre 2010 devant le siège du gouvernorat de Sidi Bouzid. Ce suicide a entraîné une vague de colère chez les habitants de la région de Sidi Bouzid, pauvre et surtout agricole. La colère se propage à Kasserine et dans tout son gouvernorat, ainsi qu'à d'autres villes de l'Atlas, comme Jendouba, avant de toucher le Sud tunisien pour enfin gagner la capitale, Tunis. Tir tendu de grenade lacrymogène, Tunis le 14 janvier. Le président Zine el-Abidine Ben Ali, en fonction depuis 23 ans, intervient trois fois à la télévision, sur la chaîne publique Tunisie 7 ; lors de sa première intervention, le président menace les causeurs de troubles de terribles sanctions et accuse les médias étrangers167. Lors des deux dernières interventions télévisées, Ben Ali adopte un ton plus calme et promet du changement et notamment la liberté d'expression, un libre accès à l'Internet et de ne plus se représenter en 2014168. Malgré cela, les manifestants réclament toujours son départ et le général s'enfuit vers l'Arabie saoudite le 14 janvier 2011169, la France lui ayant refusé l'asile. La police et les milices du président déchu auront fait plus de 230 morts en moins d'un mois, s'attaquant à des manifestants non-armés. Dans les jours qui suivent le départ de Ben Ali, les milices répandent la terreur sur la capitale en tirant sur la foule depuis des bâtiments, dans l'espoir de semer le chaos et de voir le général revenir au pouvoir170. Un gouvernement d'union nationale est créé le 17 janvier 2011171 et le culte de la personnalité de Ben Ali se termine par le retrait de ses affiches de parfois plus de 30 mètres, du renommage des lieux faisant référence à sa prise du pouvoir (7 novembre 1987), comme la chaîne Tunisie 7 qui désormais s'appelle Télévision Tunisienne 1. C'est la fin du culte du chiffre 7. Un mandat d'arrêt international est lancé par la nouvelle justice tunisienne contre le général Ben Ali et son épouse Leïla, cette dernière beaucoup plus haïe que son époux, en raison de ses nombreux pillages sur le peuple[réf. nécessaire]. L'ancien parti gouvernemental est suspendu le 6 février172. Le 12 février, on annonce que des milliers de Tunisiens fuient la Tunisie vers l'île de Lampedusa et l'Union européenne. L'état d'urgence humanitaire est décrété en Italie173,174. Le 27 février, après de nouvelles manifestations violentes175, le Premier ministre tunisien, Mohamed Ghannouchi démissionne et est remplacé par l'ancien ministre de Bourguiba, Béji Caïd Essebsi176. Le 3 mars, le président par intérim Fouad Mebazaa annonce la tenue de l'élection d'une Assemblée constituante le 24 juillet177. Effet domino L'effet domino qui voudrait que la révolution tunisienne se propage d'abord à d'autres pays arabes est officiellement envisagé quand le secrétaire général de la Ligue arabe, l'Égyptien Amr Moussa déclare, le 19 janvier, que « les citoyens arabes sont dans un état de colère et de frustration sans précédent178 ». De fait, dix jours plus tard, des troubles touchent plus ou moins fortement de nombreux pays arabes. Pourtant, beaucoup doutent alors de cet effet domino comme ce professeur de sciences politiques au Caire qui pense que l'exemple tunisien sera sans effet car « la Tunisie était un exemple extrême de dictature178 ». Pour Jean d'Ormesson, cinq semaines plus tard, la théorie des dominos, qui fut à la mode dans les années 1960 ou 1970, triomphe « dans ce mois de février 2011 qui sera à jamais arabe ». Il souligne aussi le rôle d'Internet et de la télévision qui ont permis « à la révolte de naître et de se développer » puis d'en répandre les images sur toute la planète179. Le 31 janvier, L'Orient-Le Jour publie un résumé de ces troubles citant l'Égypte, le Yémen, la Jordanie, l'Algérie, le Soudan, Oman, la Mauritanie, le Maroc et la Syrie180. Les causes récurrentes, selon un chercheur de l'IRIS, Karim Bitar, sont principalement « un pouvoir sclérosé, un président au pouvoir depuis trente ans, un appareil militaro-sécuritaire très répressif et des conditions économiques difficiles, notamment un taux de chômage des jeunes très important181 ». Toujours selon ce chercheur, la baisse du taux de fécondité, la hausse de l'alphabétisation et les liens tissés entre les peuples via les réseaux sociaux sur Internet ont favorisé ces troubles alors que les attentats du 11 septembre 2001 et la guerre en Irak avaient permis aux régimes autoritaires de renforcer leur emprise181. Selon Alain Gresh, « on peut noter aussi que la lutte contre Israël, qui offrait souvent aux régimes du Proche-Orient un argument pour maintenir leur emprise – au nom de l’unité contre l’ennemi sioniste –, ne semble plus suffire182. » Les soulèvements sont parfois comparés au Printemps des peuples de 1848183. De la même façon que les monarchies conservatrices d'Europe se concertaient pour contrer les révolutions, les pays membres de la Ligue arabe se sont réunis en urgence, lundi 15 février, afin de prévenir la chute d'un troisième gouvernement qui pourrait complètement déstabiliser la région. Afin de prévenir de nouvelles révoltes, les gouvernements se sont mis d'accord pour accroître la coopération économique184. La théorie des dominos appliquée au Maroc est énoncée début février 2011 en tant que « mythe de la contagion » dans l'hebdomadaire marocain Le Temps185,186,187. Révolution égyptienne Article détaillé : Révolution égyptienne de 2011. Manifestants sur la place Tahrir au Caire le 4 février. Un manifestant égyptien avec le drapeau du pays. Depuis déjà plusieurs années, les contestations contre le pouvoir et la pauvreté se sont accrues en Égypte, surtout sur internet. Après le déclenchement de la révolution tunisienne de 2010-2011, les protestations montent et l'opposition s'organise. Après de nombreux cas d'immolations, les manifestations massives débutent le 25 janvier avec plusieurs dizaines de milliers de protestataires qui se réunissent dans plusieurs villes du pays, notamment au Caire à Suez et à Alexandrie. Dans les jours suivants, les manifestations continuent à prendre de l'ampleur. Le 27 janvier, des affrontements entre la police et les manifestants ont lieu au Caire et le siège du Parti national démocratique est pris d'assaut puis incendié. Le même jour, l'opposant Mohamed El Baradei, prix Nobel de la paix, rentre en Égypte. Le mouvement est durement réprimé par la police et l’armée ; les moyens de communications comme internet et le téléphone sont suspendus et un couvre-feu est instauré. La protestation s'amplifie pourtant, la place Tahrir est occupée jour et nuit par les manifestants et le 1er février près de deux millions de personnes manifestent au Caire et huit millions dans tout le pays. Le président Hosni Moubarak promet alors de ne pas se présenter à la prochaine élection présidentielle prévue en septembre 2011 ainsi qu'une réforme de la constitution pour permettre un plus grand pluralisme188. La protestation se poursuit pourtant, réclamant le départ du président et des réformes démocratiques. Le 5 février, la direction du Parti National Démocratique au pouvoir, dont Gamal Moubarak, le fils du président, démissionne189. Les Frères musulmans, considérés comme la principale force d'opposition, rejoignent le mouvement mais restent discrets. Le mouvement s'allie avec l'opposition laïque et libérale. Des consultations s'ouvrent alors entre le vice-président et l'opposition, dont les Frères musulmans, qui débouchent sur un accord en vue de former un comité pour préparer des réformes constitutionnelles d'ici la première semaine de mars190. Le 10 février, Hosni Moubarak annonce qu'il transmet à son vice-président Omar Souleiman « des pouvoirs de président de façon constitutionnelle », mais sans quitter le pouvoir191. La déception au moment du discours présidentiel n’en est que plus grande : les commentateurs relèvent la fureur des manifestants, qui lèvent leur chaussure en direction du raïs. Les manifestants de la place Tahrir dénoncent une trahison et sont rejoints dans la nuit par des centaines de nouveaux manifestants. Certains d'entre eux marchent vers le Palais présidentiel. Le lendemain, 11 février, la pression des manifestations ne se relâche pas et l'opposition appelle de nouveau à manifester pour une journée baptisée « journée de l'adieu ». Dans l'après-midi, Hosni Moubarak et sa famille quittent la capitale pour Charm el-Cheikh192. Leur départ est confirmé par Omar Souleiman, qui annonce aussi la démission du président et la transmission au Conseil suprême des forces armées, sous la présidence de Mohamed Hussein Tantawi, de la gestion du pays193. La révolution a eu pour effet la démission du président Mohammed Hosni Moubarak, au pouvoir depuis près de 31 ans, après 18 jours de manifestations. L'armée assure l'intérim et met progressivement en place la transition. Dans un premier temps, le gouvernement reste en place194. L'armée annonce le 13 février la dissolution du Parlement, la suspension de la Constitution195 et affirme qu'elle assurera l'intérim jusqu'à l'organisation d'élections le 19 mars 2011196. Le 28 février 2011, les autorités égyptiennes interdisent à Hosni Moubarak et à sa famille de voyager et bloquent leurs avoirs financiers197. Le mouvement révolutionnaire continue néanmoins ses mises à sac de tous les sièges de la Sécurité d’État durant le week-end du 5 mars. Le 3 mars, le Premier ministre, Ahmad Chafic, nommé par Hosni Moubarak, démissionne et est remplacé par Essam Charaf, ancien ministre198. Lors du référendum du 19 mars, les Égyptiens approuvent massivement une réforme de la Constitution199. |
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