L'albanais (shqip en albanais) est une langue indo-européenne, qui constitue à elle seule un groupe indépendant au sein de cette famille de langues (groupe thraco-illyrien, sans certitude). Il est parlé par sept millions de personnes environ, dont la moitié en Albanie. L'albanais se subdivise en deux dialectes principaux : le guègue, au nord du fleuve Shkumbin, et le tosque au sud. Aire de répartition actuelle de l'albanais. Classification Article détaillé : Langues thraco-illyriennes. On a longtemps considéré l'albanais comme une langue indo-européenne isolée, du fait que la langue antique dont il descend nous était inconnue et que tant sa phonologie que sa grammaire sont à un stade d'évolution atypique de l'indo-européen. La plupart des linguistes considèrent aujourd'hui que l'albanais appartient à l'ensemble thraco-illyrien des langues indo-européennes. Cet ensemble est géographique plutôt que linguistique, mais l'albanais, langue satem, comprend des éléments issus des deux branches, illyrienne (« satem ») et thrace (« centum »), langues mortes très peu documentées qui ne permettent pas que l'on détermine avec précision sa position dans l'ensemble. L'existence d'un lexique commun à l'aroumain, au roumain (langues romanes orientales) et à l'albanais, ainsi que la toponymie côtière de l'Albanie1, ont fait supposer une origine partiellement thrace (peut-être carpienne) des ancêtres des Albanais, qui auraient initialement évolué plus à l'est qu'aujourd'hui, dans les actuelles république de Macédoine et Serbie méridionale, au contact des aires linguistiques illyrienne et thrace2. Pour déterminer les liens que l'albanais entretient avec les autres langues indo-européennes, il a fallu reconstruire l'histoire de son phonétisme, afin d'isoler son fond lexical ancien des emprunts aux langues voisines. Sur cette base, on a pu clairement démontrer le caractère indo-européen particulier de l'albanais (voir notamment les travaux de Walter Porzig, Eqrem Çabej, Eric Hamp, etc.). L'albanais a de nombreuses caractéristiques communes avec les langues géographiquement voisines, avec lesquelles il forme l'union linguistique balkanique. Comme en grec, certains termes sont pré-indoeuropéens comme par ex. kok "tête", sukë "colline", derr "cochon", que le paléolinguiste et bascologue Michel Morvan rapproche du pré-occitan kuk, suk "hauteur" ou du basque zerri "porc". Répartition géographique Aire de répartition historique de l'albanais : en bleu pâle, au XIXe siècle. Trois millions et demi d'albanophones vivent en Albanie. Les autres locuteurs se trouvent en Serbie, au Kosovo, dans la vallée de Preševo, en Macédoine, en Turquie, au Monténégro, en Italie et en Grèce. En Grèce, les Arvanites sont des albanophones chrétiens orthodoxes et parlaient un dialecte tosque, mais la plupart d’entre eux sont passés au grec. En Turquie, on estime le nombre d’albanophones d’origine à près de 3 millions, mais la plupart sont passés au turc. Il s’agit d’albanophones musulmans originaires de Macédoine, Kosovo ou Grèce qui ont été déplacés de force en Turquie après le traité de Lausanne et selon les dispositions de celui-ci. On les retrouve aujourd’hui principalement à Istanbul, Bursa, Izmir, et sur les côtes de la mer Égée. On trouve également une communauté albanophone catholique répartie dans une quarantaine de villages en Italie du sud et en Sicile, les Arbëresh, qui descendent des Albanais émigrés au XVe siècle (à la suite de l'invasion des Ottomans dans la région balkanique). Il est enfin parlé par quelques petits groupes en Bulgarie, en Roumanie, en Ukraine, ainsi que par une diaspora nombreuse aux États-Unis, en Suisse, en Allemagne et en Australie. Statut officiel L'albanais est langue officielle en Albanie, au Kosovo et en Macédoine. En Italie, la langue et la culture albanaise sont protégées (statut de minorité linguistique). Écriture Les plus anciens textes conservés datent du XIIIe siècle. les derniers textes découverts en 1990 dans les archives du Vatican datent plus précisément de l'an 1210 et dont l'auteur est Theodor Shkodrani3,4,5. La langue écrite standard actuelle, en caractères de l'alphabet latin, a été élaborée sur la base du dialecte tosque. Ordre alphabétique et valeur des graphèmes La transcription suit les usages de l'alphabet phonétique international. A B C Ç D Dh E Ë F G Gj H I J K L Ll M N Nj O P Q R Rr S Sh T Th U V X Xh Y Z Zh a b c ç d dh e ë f g gj h i j k l ll m n nj o p q r rr s sh t th u v x xh y z zh [ɑ] [b] [t͡s] [t͡ʃ] [d̪] [ð] [ɛ] [ə] [f] [ɡ] [ɟ] [h] [i] [j] [k] [l] [ɫ] [m] [n] [ɲ] [ɔ] [p] [c] [ɾ] [r] [s] [ʃ] [t̪] [θ] [u] [v] [d͡z] [d͡ʒ] [y] [z] [ʒ] Histoire Cet alphabet est utilisé officiellement depuis la normalisation de 1908. Il utilise des digrammes et deux diacritiques, le tréma ainsi que la cédille (on peut aussi compter l'accent circonflexe servant au guègue, souvent remplacé par un tilde dans des ouvrages de linguistique). Les digrammes et les lettres diacritées comptent pour des graphèmes indépendants et non comme des variantes (ce qui est le cas pour é, è, ê et ë en français, variantes de e pour le classement alphabétique). L'albanais était noté auparavant par divers alphabets originaux, comme l’écriture de Todhri, l'elbasan, le buthakukye et l'argyrokastron, le grec, le cyrillique ou un alphabet latin modifié différent de celui qui est utilisé de nos jours. L'alphabet actuel est presque phonologique : dans l'absolu, toutes les lettres se lisent, et toujours de la même manière, à l'exception du e caduc. On a donné dans le tableau ci-dessus les réalisations des lettres dans la prononciation standard. Il existe des variantes dialectales. Remarques L'alphabet albanais compte 36 lettres : sept voyelles (A, E, Ë, I, O, U, Y) et vingt-neuf consonnes (B, C, Ç, D, Dh, F, G, Gj, H, J, K, L, Ll, M, N, Nj, P, Q, R, Rr, S, Sh, T, Th, V, X, Xh, Z, Zh). Voyelles Si le guègue possède des voyelles nasalisées — notées par un circonflexe au-dessus de la voyelle correspondante — le tosque les a perdues. Hormis cela, la représentation du système vocalique albanais est assez simple. La voyelle ë [ə] (comme le e caduc en français dans « je » mais plus ouvert et moins labialisé) est souvent omise dans la prononciation lorsqu'elle est en position finale et atone après une seule consonne : [ə] [- accent tonique] > Ø / C_#. Consonnes La transcription des phonèmes de l'albanais selon la normalisation mise en place en 1908 peut sembler assez déroutante. En effet, plusieurs traditions orthographiques sont en jeu : diverses langues d'Europe de l'Est pour la valeur des lettres simples ; le serbo-croate (version latine) pour -j dans les digrammes ; l'anglais pour -h dans les digrammes ; le français pour le choix de signes diacritiques permettant de faire usage de machines dotées d'un clavier français pour la dactylographie ; d'autres traditions albanaises pour ç et q. La palatalisation des consonnes est notée par -j subséquent (j seul notant [j]) : gj = [ɟ] (comparable au hongrois gy dans magyar) et nj = [ɲ] (français gn dans gnon). Quand il faut représenter [gj] et [nj], on remplace le j par i, afin d'éviter l'ambiguïté : [gja] s'écrit donc gia, gja notant déjà [ɟa]. La sourde palatale [c] (hongrois ty) est cependant rendue historiquement par q. La spirantisation peut être notée par un -h subséquent, ce qui est le cas pour dh [ð] (anglais th dans then) et th [θ] (anglais th dans thin), mais pas pour sh [ʃ] (français ch dans chien), xh [ʤ] (français j dans blue jean) ni zh [ʒ] (français j dans je). Dans ce cas, -h indique le caractère postalvéolaire des consonnes. Les affriquées sifflantes sont rendues par c, [ts] (français ts dans tsar), pour la sourde, et x, [dz] (italien z dans zero), pour la sonore ; les affriquées chuintantes par ç, [ʧ] (comme tch dans tchèque), et xh [ʤ]. Autres cas notables Il existe encore deux digrammes à retenir : ll [ɫ] (dark /l/ de l'anglais dans full) et rr [r] (/r/ roulé à plusieurs battements comme en castillan perro), qui s'opposent à l [l] et r [ɾ] (/r/ battu bref comme en castillan dans pero). On peut trouver une séquence ng- à l'initiale, qui n'est cependant pas un digramme. Le jeu de la variation combinatoire fait qu'une telle séquence se prononce vraisemblablement [ŋg] (comme ng en anglais finger). Exemples Traduction Albanais Prononciation standard terre tokë /t̪ɔk(ə)/ ciel qiell /ciɛɫ/ eau ujë /uj(ə)/ feu zjarr /zjɑr/ homme burrë /bur(ə)/ femme grua /gɾuɑ/ mange ha /hɑ/ bois pi /pi/ grand i madh /i mɑð/ petit i vogël /i vɔgəl/ nuit natë /nɑt̪(ə)/ jour ditë /d̪it̪(ə)/ Bibliographie (en) Martin Camaj, Albanian Grammar, Otto Harrassowitz, Wiesbaden. (en) Isa Zemberi, Colloquial Albanian, Routledge, 1991, réédition 2004, ISBN 0-415-05663-2 (fr) Henri Boissin, Grammaire de l'albanais moderne, 1975. (fr) Guillaume Bonnet, Les mots latins de l'albanais, L'Harmattan, 1998. (fr) Christian Gut, Agnès Brunet-Gut, Remzi Përnaska, Parlons albanais, L'Harmattan, 1999, ISBN 2-7384-8229-5 (fr) Fatime Neziroski, Manuel de conjugaison des verbes albanais, L'Harmattan, 2003. (fr) L'albanais de poche, Assimil, 2000 (guide de conversation). Littérature bilingue albanais-français (fr) Daniel Lemahieu (dir.), Voyage en Unmikistan, L'Espace d'un instant, 2003 (fr) Ali Podrimja, Défaut de verbe, Chêne éditions |
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